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Paysannes !

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À partir du 26/02/2021

Sont-elles l’avenir de l’agriculture française ? Les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’installer, souvent en bio, alors qu’un tiers des chefs d’exploitation d’aujourd’hui seront à la retraite dans sept ans. Encore faudrait-il qu’elles soient aidées, dans ce milieu qui leur fait souvent peu confiance.

  

Sont-elles l’avenir de l’agriculture française ? Les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’installer, souvent en bio, alors qu’un tiers des chefs d’exploitation d’aujourd’hui seront à la retraite dans sept ans. Encore faudrait-il qu’elles soient aidées, dans ce milieu qui leur fait souvent peu confiance.

  

par Véronique Bourfe-Rivière

     

  

Dans le milieu agricole, « très genré », les femmes gèrent souvent des « petites » tâches quotidiennes, de l’accueil, de la comptabilité… Photo : © Romain Saada

 

Savez-vous que le mot agricultrice n’est entré dans le Larousse qu’en 1961 ? Pourtant jusqu’à la Première Guerre mondiale, les femmes étaient nombreuses à travailler aux champs. Ensuite elles sont restées invisibles, sans statut ni protection sociale.
      
Ces dernières années, on évoque régulièrement la féminisation de l’agriculture. Mais quand on observe les chiffres, le nombre de femmes cheffes d’exploitation plafonne à 27 % depuis 10 ans, tandis que la proportion de travailleuses agricoles, tout statut confondu, baisse.
   
Selon l’Insee, elles sont 39 % en 1982 et 26,6 % en 2019, alors que sur l’ensemble des personnes en emploi, la proportion de femmes a augmenté, passant de 40,5 à 48,5 % sur la même période.

   

  
CLICHÉS TENACES

   
Les sociologues définissent le milieu agricole comme « très genré » : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. À elles, la gestion des « petites » tâches quotidiennes, de l’accueil, de la comptabilité, éventuellement la transformation des matières premières. Le travail physique et plus technique, le tracteur, c’est pour les hommes.
   
« Le postulat de base, dans le milieu, c’est que les femmes ne sont pas faites pour ça », commente Clotilde Bato, déléguée générale de l’association SOL, Alternatives agroécologiques et solidaires, qui accompagne notamment des postulants.
  
Christelle Garnier, productrice de céréales bio dans l’Yonne, raconte que lorsqu’elle a quitté Paris pour reprendre la ferme familiale il y a 16 ans, « pendant des années les voitures ralentissaient devant les parcelles pour voir si c’était ellele tracteur. Certains se sont arrêtés pour arracher et regarder de plus près les plants de lentilles et de soja qu’elle avait été la première à semer ! ».
    
L’actuelle vice-présidente de la Cocebi, coopérative 100 % bio, sourit : « J’ai senti que c’était gagné quand un gros agriculteur du coin m’a demandé de prendre son fils en stage… »
    
Au moins, n’a-t-elle pas eu à chercher de terres pour s’installer ! Car « c’est la première grosse difficulté pour une femme, l’accès au foncier agricole : les propriétaires et les banquiers leur font moins confiance, on leur prête moins, regrette Clotilde Bato, alors qu’en fait, évidemment, elles sont tout à fait capables de mener une exploitation ».
  

  

PLUS DE FEMMES DANS LES FERMES BIO

    
La reconnaissance statutaire des femmes paysannes est récente : dans les années 1950, elles étaient considérées comme sans profession.
   
Malgré les évolutions administratives régulières, en 1999, pour obtenir le statut de conjoint collaborateur, il fallait encore impérativement être mariée et avoir l’autorisation de son époux ! Ce n’est qu’en 2006 que les conjointes non mariées ont pu enfin être reconnues.
    
Aujourd’hui encore, 140 000 femmes participant à la gestion d’une exploitation n’ont pas de statut (d'après l'organisme MSA, Sécurité sociale agricole) et restent donc socialement complètement dépendantes.
  
Si la majorité des femmes rejoignent encore le projet de leur conjoint, elles sont de plus en plus à s’installer avec un projet personnel, et dans ce cas elles s’associent plus souvent que les hommes. Elles font aussi plus appel à de la main-d’œuvre extérieure.
   
Leurs secteurs de prédilection ? Les cultures céréalières, l’élevage laitier, la polyculture-élevage, l’élevage de bovins pour la viande, les élevages ovins et caprins. Et les élevages de chevaux, dont près de 50 % sont dirigés par des femmes.
   
Hélas, comme dans les autres métiers, les rémunérations sont inférieures à celles des hommes, de 29 % pour les cheffes d’exploitation.
 
Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’installer, souvent sans être issues du milieu agricole. « Je crois que les femmes se projettent plus facilement dans l’avenir de la planète, se réjouit Clotilde Bato. Les personnes que nous accompagnons sont en quête de sens et veulent participer au changement de modèle alimentaire. »

   

  

En bio, les paysannes se tournent moins vers les grandes cultures et la viticulture, à cause du prix des terres. Photo : © Jérôme Sevrette

 
   
Le rapport du Sénat du 5 juillet2017 (Femmes et agriculture pour l’égalité dans les territoires) lui donne raison : il y apparaît qu’il y a plus de femmes dans les fermes bio.
  
L’année suivante, la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) a mené une enquête auprès des 10 000 agricultrices bio de France. Sur les 2 500 qui ont répondu, 60 % ne viennent pas d’une famille d’agriculteurs, et pour un tiers de celles-ci, c’est une reconversion.
  
Parmi elles, 60 % sont seules cheffes de leur exploitation. 45 % optent pour le maraîchage, caril peut se pratiquer sur de petites surfaces et apporter une forte valeur ajoutée.
À l’inverse, elles se tournent moins vers les grandes cultures et la viticulture, à cause du prix des terres.
  
  

RETROUSSER SES MANCHES
    

Plus jeunes en moyenne (45 ans) que leurs homologues du conventionnel (51 ans), les agricultrices bio sont très diplômées (bac + 3) et militantes (53 % adhèrent à un syndicat). Il leur incombe très souvent toute la diversification de la ferme (marché, chambres d’hôtes), le soin des animaux, en plus de l’administratif.
  
Comme les femmes paysannes non bio, elles assument la presque totalité des tâches domestiques, à 66 % dans l’étude de la Fnab, contre 26  % pour l’ensemble des Françaises…
  
Depuis cette enquête, la Fnab cherche à atteindre la parité dans la gouvernance des conseils d’administration de ses groupements et travaille sur les attentes spécifiques des femmes.
 
Elle œuvre par exemple en partenariat avec la coopérative L’atelier paysan pour inventer des outils qui facilitent le travail agricole féminin.
  
« Je croise de plus en plus de femmes, assure Christelle Garnier, nous n’avons pas la même force mais pouvonsêtre plus malignes, plus complices avec nos outils. Lefait d’être une femme ne m’a jamais posé problème,j’en ai même fait une force ! »
   
Les femmes voudraient donc de plus en plus venir à la terre et préserver l’environnement ? C’est une chance à saisir, le rapport sénatorial trace de nombreuses pistes et défis à relever. Il suffirait de les suivre…
  
  

  

PORTRAITS ROBOTES

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« ON S’EST RÉPARTI CE QUE L’ON AIME ET ON FAIT TOUS LES DEUX DE L’ADMINISTRATIF. »
    
Ana Maria Bridier Grazay (53), 36 ans, a quitté sa Roumanie natale pour élever 65 vaches laitières sur 89 ha avec son mari, adhérente de la coopérative Lait Bio du Maine,sociétaire de Biocoop.
  
« On se complète bien avec Gilles, lui assez terre à terre,moi plus dans le ressenti.Les deux sont importants.Nous avons choisi de ne pas être dans le modèle agricole compétitif. On s’est réparti ce que l’on aime et on fait tous les
deux de l’administratif.
    
C’est plus un mode de vie qu’un travail, tout s’entremêle entre professionnel et privé.Nous avons beaucoup de temps libre, la façon dont je pratique mon métier me permet ça. Je donne quelques cours de sport,nous nous investissons dans différentes associations dont l’épicerie. J’ai vraiment la sensation de faire partie de la nature ! »
   

        

   

Portrait de Céline Peloquin par Pierre Duffour.

     

« LES FEMMES APPORTENT PLUS DE FANTAISIE DANS LE TRAVAIL ET D’EMPATHIE DANS LES COLLABORATIONS. »
  
Céline Peloquin Villefagnan (16), 47 ans, petite fille de meunière et fille d’agriculteur et de professeure de mathématiques, agronome, elle a rejoint le paysan charentais dont elle est tombée amoureuse. Coordinatrice du groupement de producteurs Les fermes de Chassagne, sociétaire de Biocoop.
  
« Ma vie est très entremêlée entre travail, implications bénévoles et vie familiale. De par l’activité sur place, je suis toujours présente pour les enfants (10 et 12 ans). Je pense que les femmes apportent plus de fantaisie dans le travail et d’empathie dans les collaborations.
     
Je cumule les missions, l’atelier de panification, le marché mensuel à la ferme, la direction de notre groupement de producteurs, l’accueil à la ferme. J’aime la diversité de mes tâches, la créativité et la liberté que j’ai, malgré la charge mentale. Je suis une femme heureuse ! »

        
   

Portrait de Lucile Diana par Romain Saada.

« SOUVENT, C’EST INTENSE, ALORS QUAND C’EST PLUS CALME, J’EN PROFITE ! »
  
Lucile Diana Maravat (32), 28 ans, maraîchère dans le Gers depuis 2014, petite-fille et fille d’agriculteurs, adhérente de la Cabso, coopérative sociétaire de Biocoop.
  
« Après ma licence de commerce et management, j’ai travaillé dans le milieu du cheval. Quand je ne me suis plus reconnue dans les valeurs véhiculées par ce milieu, j’ai décidé de revenir à la terre. Mon père ne voulait pas que je m’installe, il m’a prêté 2 ha de jachère pas terrible.
    
Maintenant il est passé en bio lui aussi ! Je cultive des plants horticoles de légumes et petits fruits rouges, et produis de l’ail de plein champ. C’est extrêmement prenant, souvent c’est intense. Alors quand c’est plus calme, j’en profite, je fais du yoga, je vais chez des amis ou randonner. Mon travail fait sens avec mes valeurs… »

   

              
    

Portrait d’Hélène Richard Besson par Thierry Martrou.

« LES FEMMES DOIVENT PROUVER PLUS, POUR TROUVER LEUR PLACE DANS CE MILIEU TRÈS MASCULIN. »
  
Hélène Richard Besson (03), 51 ans, élève 80 charolaises dans l’Allier, présidente du groupement de producteurs Copebio, sociétaire de Biocoop.
Après 15 ans de comptabilité, elle a rejoint son mari sur la ferme de ses parents. Elle y travaille avec un salarié depuis qu’elle est veuve.

« Les femmes ont toujours joué un rôle important en agriculture, maintenant elles peuvent avoir un statut social. Mais elles doivent prouver plus, pour trouver leur place dans ce milieu très masculin. J’ai suivi les traces de mon père et de mon mari, investis dans les structures agricoles. Cela me permet d’avoir des contacts, de m’ouvrir, d’apporter une autre vision au collectif.
     
Nous sommes complémentaires. L’approche que les femmes ont de la responsabilité est très différente de celle des hommes, elle est plus au ressenti. »

       
     

CHIFFRES CLÉS

   

L’agricultrice bio en quelques chiffres clés...
   

  • 45 ANS EN MOYENNE, en couple (79 %), avec des enfants (51 %)
      
  • Tous les types de production sont présents dans leurs fermes, avec une forte prévalence de la POLYCULTURE-ÉLEVAGE (46 %)
      
  • 46 % SONT SEULES CHEFFES d’exploitation
      
  • 40 % SONT ENTRÉES en agriculture biologique par la conversion de leur ferme
       
  • 40 % ONT UN NIVEAU DE DIPLÔME bac+3 et plus
      
  • 60 % SONT HORS CADRE FAMILIAL (non issues du secteur agricole)
      
  • 18 % SONT PLURIACTIVES
     
  • Taille moyenne de leur ferme : 50 HECTARES
         
         
           
    Retrouvez cette enquête dans le n° 115 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.
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