Vers une écologie des relations
À partir du 12/02/2020
Parce qu’elle est à la base de tout projet collectif durable et que notre équilibre personnel en dépend, la « communication non violente » (CNV) connaît un engouement significatif ces dernières années.
Par Pauline André-Dominguez
Vivre mieux. Autrement. Pris dans l’urgence climatique, nous sommes au cœur d’une transition majeure. À la fois collective et individuelle. Nous sommes dans cet entre-deux. Au crépuscule de l’ancien monde, des citoyens défrichent nos lendemains. Mais dans cette quête de sens, l’humain se heurte à ses propres limites. Notre façon de communiquer peut-être un moteur autant qu’un frein. Et les mots, des fenêtres ou bien des murs1.
Parler ou communiquer ?
À la fin des années 90 en France, une « méthode » pour certains, un « art de vivre » pour d’autres, se développe. « La communication non violente » séduit aussi bien ceux qui font face à des conflits intérieurs au quotidien que les milieux associatifs, professionnels ou encore les réseaux de citoyens engagés dans la transition écologique. C’est aux États-Unis, dans les années 70 qu’émerge cette idée que de l’équilibre intérieur dépend l’harmonie extérieure. Théorisée et appliquée par le psychologue Marshall Rosenberg, la CNV est une démarche individuelle à impact collectif. Exprimer ses émotions et ses besoins, réfléchir avant d’agir, accepter l’autre tel qu’il est et l’écouter pour mieux coexister en société. Le problème, selon lui, est que « nous avons appris à parler mais pas à communiquer ».
« Nous avons appris à parler mais pas à communiquer. »
Ces dernières années, des ateliers de CNV se multiplient. « Nous coordonnons près de 400 groupes de pratique en France qui se réunissent une fois par semaine », explique Jean-François Garnier, membre et administrateur de l’association pour la CNV (ANCV). « Nous sommes sollicités par les entreprises qui font face à l’augmentation du stress au travail et organisons des formations dans les hôpitaux ». L’association intervient aussi dans les prisons et auprès d’acteurs de l’éducation via une branche spécialisée : Déclic’ CNV.
Intelligence émotionnelle
Si les bénéfices de l’« outil » CNV sont reconnus par tous : travail sur soi ; régulation/résolution des conflits ; mise en place d’actions collectives réfléchies et efficaces, au-delà de l’impulsion émotionnelle ; cohésion de groupe, etc., certains pointent aussi ses limites. Mathias Lahiani a fondé la structure On passe à l’acte : un média, une société de production et une coopérative au service de projets à « impact sociétal positif ». Selon lui, la CNV peut être intéressante « à condition d’être au clair avec ses intentions et son ego. Cela doit rester un outil (parmi d’autres) et non devenir une posture, une idéologie ». Il est « à double tranchant selon la maturité des gens et repose avant tout sur la capacité à se remettre en question ».
« [La CNV est un outil] à double tranchant selon la maturité des gens et repose avant tout sur la capacité à se remettre en question. »
Derrière la démarche, il y a surtout des valeurs fondamentales. Tolérance, empathie, respect, c’est cela qui doit primer rappelle Pascal Depienne, formateur et consultant… en permaculture. Au-delà de l’image du jardin potager qui vient à nous, la permaculture est porteuse de projets collectifs dans lesquels la CNV à sa place. De même au sein d’Alternatiba, ce réseau d’acteurs également engagé dans la transition écologique et sociale, on considère que pour bien militer, il faut savoir communiquer. Durant le dernier camp climat (campclimat.eu/) l’été dernier, les activistes ont été formés à la CNV. « À Marseille, nous avons créé un groupe de travail autour du bien-être militant, explique Bruno Samuel membre de l’antenne locale. Dans cette lutte liée à l’urgence climatique, certains peuvent dérailler. La CNV aide à prévenir les risques liés au militantisme : burn-out, éco-anxiété, conflits dans le mouvement… ».
Parce que dans cette transition de société, nous vivons une forme de deuil d’un monde qui prend fin, l’expression des émotions et de besoins individuels souvent communs semble essentielle pour redevenir des communautés solidaires et résilientes.
À lire, À voir - Pour aller plus loin
1Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Initiation à la communication non violente, Marshall B. Rosenberg, Éd. La Découverte, 2016
Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Thomas d’Ansembourg, Les éditions de l’Homme, 2014
Réaliser des ateliers, se former : L’ACNV, les réseaux Alternatiba, Colibris, Désobéissants, Le Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN), l’Université du Nous…
En savoir plus sur la communication non violente, sujet de la rubrique Bien Vivre du n° 109 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger ici.