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Audrey Pulvar, l'écologie souriante

Audrey Pulvar, l'écologie souriante

À partir du 17/03/2019

On imagine l'ex-journaliste people, distante, voir un brin pédante. Elle simple, directe. À l'aise, l'éclat de rire facile, Audrey Pulvar s'assume aujourd'hui comme une activiste. Elle nous reçoit à Boulogne-Billancourt (92), à la Fondation pour la Nature et pour l'Homme qu'elle préside. Où son engagement pour la transition écologique rejoint ses préoccupations sociales avec, parmi ses chevaux de bataille, une alimentation de qualité pour tous.

 

On imagine l'ex-journaliste people, distante, voir un brin pédante. Elle simple, directe. À l'aise, l'éclat de rire facile, Audrey Pulvar s'assume aujourd'hui comme une activiste. Elle nous reçoit à Boulogne-Billancourt (92), à la Fondation pour la Nature et pour l'Homme qu'elle préside. Où son engagement pour la transition écologique rejoint ses préoccupations sociales avec, parmi ses chevaux de bataille, une alimentation de qualité pour tous.
 
Propos recueillis par Pascale Solana.

 

Audrey Pulvar Illustration

  

P.S. : On vous savait engagée mais pas pour l’écologie, que s’est-il passé ? 

A.P. : On m’identifie en effet plus sur l’égalité homme-femme ou les discriminations. La vision très transversale du changement climatique et de la préservation de l’environnement de la fondation m’a séduite. Où que l’on soit sur la planète, plus on est bas dans l’échelle sociale, plus l’impact du réchauffement climatique est ou sera fort. On ne peut penser la transition écologique qu’en s’attaquant à la précarité. C’est le nerf de la réflexion de la fondation et cela rejoint mes autres préoccupations.

 

L’écologie n’est pas une problématique de riche ?

C’est tout le contraire ! Ni un truc de bobo ni une punition. La punition, c’est le changement climatique et ses effets déjà à l’œuvre pour le milliard d’individus qui ne mangent pas à sa faim. En France, 11 millions de personnes dans la précarité énergétique, 10 millions qui s’alimentent mal – parce qu’il faut avoir les moyens de bien s’alimenter–, ce n’est pas une préoccupation de bobo ! Les travaux de FNH, la Fondation pour la nature et l’homme, comme mon implication, sont irrigués par plus de responsabilisation, par un souci de justice sociale, de partage et de protection des plus faibles.
Pour revenir à la première question, je suis petite-fille d’un agriculteur martiniquais qui sans le savoir pratiquait l’agroécologie. On était cernés de bananeraies, exposés à l’utilisation non seulement du chlordécone1 mais de beaucoup d’autres produits de l’agrochimie répandus par avion une à deux fois par jour jusqu’à la fin des années 80.

 

Vous vous souvenez des traitements de pesticides ?!

Oui, très bien ! Cette pellicule grasse sur la peau, les cheveux, les arbres, le toit des maisons, des voitures… Tout ceci explique ma sensibilité à l’environnement. Depuis longtemps j’ai compris que l’environnement ce n’est pas seulement fermer le robinet en se brossant les dents, les petits oiseaux qui pépient – enfin qui ne pépient plus ! – et les ours blancs.

 

« On ne peut penser la transition écologique qu’en s’attaquant à la précarité. »

 

Pourquoi le choix de FNH ?

J’étais déjà intervenue à titre bénévole pour des ONG qui luttent contre la pauvreté et avais prêté mon concours à différentes fondations, Good Planet, Positive Planet, Action contre la faim… J’ai été heurtée lors des dernières présidentielles par les scores du FN en particulier, derrière lesquels j’ai moins vu du racisme ou de la xénophobie que des gens se sentant démunis, sans protection vis-à-vis des effets, souvent croisés, de la mondialisation et du réchauffement climatique. Je me suis dit que le moyen de conjuguer cela et de faire autre chose que de pester contre le monde serait de m’engager de façon plus complète et plus assumée au service de la communauté. J’ai candidaté, parmi d’autres postulants, pour la présidence de FNH que le départ de Nicolas Hulot au gouvernement libérait alors. Et j’ai été élue !

 

Vous dites que la transition écologique passe par l’ingéniosité et la sobriété : vous n’êtes pas « décroissante » ?

La décroissance est un concept en soi. On entend souvent dire que l’écologie c’est la décroissance, prendre des douches froides et s’éclairer à la bougie… Pour moi, la question n’est pas décroître ou ne plus croître mais croître autrement, mieux, moins et avec d’autres indicateurs.

 

Vous avez aussi proposé l’idée d’un vice-Premier ministre de l’Environnement ?

C’était ponctuellement lié au départ du gouvernement de Nicolas Hulot. Un ministre directement dépendant du Premier ministre, qui mènerait une politique transversale et pour lequel la transition écologique ne soit pas juste un secteur aux côtés d’autres. Mais FNH a travaillé sur des propositions plus étayées constitutionnellement comme la création d’une Chambre du futur2. Aujourd’hui la société civile est hypermobilisée. Je rencontre partout des gens qui s’organisent, plein de petits projets qui expérimentent la responsabilité et la sobriété, des entreprises qui font de l’économie sociale et solidaire, des start-up qui innovent… Super ! Mais sans maillage, cela ne suffira pas à inverser le système. À travers la décision politique, le changement de paradigme devrait être une cause nationale. Ce n’est pas le cas.

 

Cela vous désespère ?

Ça dépend de l’heure de la journée ! Le soir parfois, vous vous sentez seul… Même si on est nombreux, il y a tant à faire. Mais le lendemain, ça repart !

 

Et l’assiette dans tout cela ?

Vous n’imaginez pas à quel point c’est important pour moi. Manger bien !

 

Manger bien, c’est-à-dire ?

D’abord avoir accès à une nourriture diversifiée et de qualité où que l’on soit sur terre et quels que soient ses revenus.

 

Bisounours Audrey Pulvar ?

Non, je sais que cela n’existe pas. Mais je sais aussi qu’on a les moyens de nourrir chaque humain de la planète sans agrochimie, avec une alimentation de qualité, en luttant contre le gaspillage, avec un régime relativement pauvre en protéine animale. [J’ai essayé mais je ne suis pas vegan. Je suis flexitarienne.] Des rapports de l’ONU le prouvent régulièrement.

 

Vous avez quitté le journalisme. La politique vous tente-t-elle pour agir ?

Je n’ai aucune envie d’engagement dans un parti ou un mandat. À la fondation, j’ai la sensation de faire de la politique de terrain et avec des propositions de transformation de la société. Comme Mon restau responsable, une démarche participative qui aide les cantines à progresser à leur rythme sur différents axes, bio, local, bien-être, écogestes… 500 adhésions en deux ans ! Le militantisme est une action politique. Au moment où j’ai compris que je n’allais plus pouvoir avoir la neutralité nécessaire à l’exercice du journalisme politique, je l’ai quitté : je ne peux pas lancer le matin une pétition contre le CETA3, et interviewer le soir un ministre sur ces mêmes accords. Maintenant je suis une activiste. C’est bénévole. En parallèle, je travaille pour le magazine d’une plateforme Web de cinéma.

 

Et l’activiste que vous êtes cuisine-t-elle ? 

Je suis gourmande et très exigeante sur la saison, l’origine, la fraîcheur… Je cuisine mais pas du compliqué : avec de la qualité, en général, le résultat est bon !

 

1 Insecticides utilisés jusqu’en 1993, qui ont empoisonné pour plusieurs siècles les écosystèmes antillais.
2 Troisième assemblée parlementaire qui considérerait le long terme en permanence et systématiquement dans l’élaboration d’une loi.
3 Comprehensive Economic and Trade Agreement, traité de libre-échange entre l’UE et le Canada.

  

Audrey Pulvar portrait
BIO EXPRESS

 
• 1972. Naissance en Martinique.
• 1994-2002. Journaliste reporter d’images en Martinique puis rédactrice en chef et directrice de l’information de la chaîne Antilles Télévision.
• 2002-2017. Retour à Paris. Collaboration à une quinzaine de médias nationaux français en TV, radio et presse écrite, dont France 3, France 2, France Inter, Canal + et Les Inrockuptibles.
• Auteure d’ouvrages dont L'Enfant-bois (2005), Libres comme elles (2014), etc.
• Juin 2017. Présidence de la Fondation pour la nature et l’homme, ex-Fondation Nicolas Hulot. Créée en 1990 « pour un monde équitable et solidaire, qui respecte la nature et le bien-être de l’homme », la mission de FNH est de proposer et d’accélérer les changements de comportements individuels et collectifs, de soutenir des initiatives en France comme à l’international pour engager la transition écologique de nos sociétés.

 

Retrouvez l’interview d’Audrey Pulvar dans le n° 103 de CULTURE(S)BIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.

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